jeudi 22 juin 2017

Prix de la critique des Lycées 2017

Le deuxième Prix de la Critique 2017 a été attribué à Tom Bouchardon, élève de Seconde du Lycée Passy-Buzenval pour un texte inspiré de Little sister de Benoît Séverac (Syros, 2016).



Passion éphèmere

Christophe Colomb n’était qu’un précurseur. Une découverte inédite, celle d’une terre nouvelle et inhabitée, à laquelle Amérigo donna son nom. Toulouse fut le théâtre de la débâcle émotionnelle de Lena. Elle aussi a fait une découverte inédite, celle de la sordide célébrité. Elle ne demandait rien, elle a trop reçu. Et puis, pour retranscrire cette triste catharsis moderne, le chef d’orchestre de cette situation pittoresque, a été choisi par son récit. Comme si la puissance et la fatalité des événements avaient eux-mêmes choisi leur chef, leur auteur. Les mots s’enchaînent, épousent l’histoire, la décrivent comme digne des plus grandes tragédies grecques. Une tragédie en cinq actes, haletante, fatale et surtout inédite. Comme Colomb, Lena s’est aventurée dans un monde, dans une vie, qu’elle ne connaissait pas. Quand Colomb a dévié de la route des Indes pour rejoindre l’Amérique, Lena a dévié de la voie de la raison pour rejoindre le continent de la confiance, de l’amour. Mais, a contrario du navigateur italien, elle s’est pris les pieds dans cette confiance aveugle. Alors, on aurait pu s’attendre à un passage digne des plus grands thrillers psychologiques, une phase d’hésitation, de
doutes pour Lena. Mais le chef d’orchestre a préféré, au lieu d’agiter sa baguette et de se donner corps et âme à son morceau, effectuer un simple tour de passe-passe avec celle-ci. A la manière de Lena, le maestro est tombé, depuis son piédestal, jusque dans la fosse, comme lorsque l’on croit à la venue aimante de son frère. Il a changé de point de vue, de vision de l’histoire. On pourrait presque assimiler ceci aux premiers jours de vie d’un pingouin. Il est habile et se déplace avec assurance sur la banquise. Mais quand vient le moment de sauter dans l’océan glacial, et de se prendre au sérieux pour la première fois de sa vie, c’est là que les convictions peuvent se perdre. Les deux premiers actes de la tragédie étaient assurés, pleins et émouvants. Mais, à l’heure d’enchaîner sur le troisième acte, l’auteur est tombé, non pas dans l’océan glacial, mais dans la peur de la difficulté. Eviter les difficultés, tout un art que Benoît Severac semble manier à la perfection. Mais le pingouin se relève, et malgré cet échec, retournera voir sa mère et s’assurera dans cet environnement stable qu’est la banquise. Theo, tel est donc le nom de notre nouveau centre d’intérêt. Lui est extérieur à la situation, la subit et doit également contenir son amour pour la désormais kidnappée toulousaine. Cette cacophonie brouillonne terminant le récit ne supprime néanmoins pas toutes les bonnes notes effectuées avec précision auparavant. Dans un monde de littérature pour la jeunesse souvent trop niais, cet ouvrage est un chewing-gum à la menthe, une bouffée d’air frais. Mais le goût d’une gomme est éphémère, et à défaut d’avoir duré soixante minutes, celui de ce livre aura duré qu’une centaine de pages pour finalement laisser la place à un récit, non pas désagréable, mais insipide.

Tom Bouchardon

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