dimanche 1 juin 2014

Interview : Cyril Moré, champion d'escrime et de ski alpin handisport

© B. Loyseau
Nom : Moré
Prénom : Cyril
Date et lieu de naissance : 26/09/1972 à Sainte-Adresse (Haute-Normandie)
Activités : Sportif de haut niveau / Agent EDF / Parrain de la section handisport du Cercle d'escrime de Rueil
Passions : les voyages (les Maldives, Bali, le Canada...), les langues (Cyril parle 4 ou 5 langues dont le polonais, on a testé !)
Titres sportifs : Quintuple champion paralympique d'escrime ; Vice-champion et médaillé de bronze paralympique en escrime ; Champion du monde en escrime et en ski ; Vainqueur du circuit Coupes d'Europe en ski, etc.


Zoom : Vous avez été champion de haut niveau d'escrime ET de ski ? Comment peut-on être sportif de haut niveau dans deux disciplines si différentes ?
Cyril Moré : Pour moi ces deux sports sont très liés : l'environnement est blanc, on utilise des trucs qui coupent (ski et sabre), on est sur des pistes. Dans les deux cas il faut bien préparer son matériel et bien connaître son adversaire. En ski l'adversaire c'est la piste, pas les autres concurrents, c'est elle qu'il faut maîtriser.
J'ai dû choisir entre les deux et aujourd'hui je me consacre entièrement au ski, le sport où j'ai encore une grande marge de progression.

Zoom : Êtes-vous sportif à plein temps ou avez-vous un « vrai travail » à côté ?
C. M. :
Je travaille dans les ressources humaines et la communication chez EDF. Grâce à une CIP (Convention d'Insertion Professionnelle) je travaille la moitié de l'année, ce qui me laisse du temps pour m'entraîner. C'est un statut particulier de sportif salarié. Ainsi, quand j'arrêterai la compétition, j'aurai déjà un pied dans l'entreprise.


Zoom : Comment vous entraînez-vous ?
C. M. :
Dès que la saison commence, c'est-à-dire en juin / juillet, on va s'entraîner sur les glaciers en France et en Europe. En août et septembre c'est fermé, on reprend en octobre, parfois à Amnéville en Lorraine où il y a une piste de ski indoor, c'est comme un grand frigo ! Là je commence déjà à préparer les prochains Championnats du monde qui auront lieu en 2015 au Canada. Selon le calendrier de la Fédération Handisport, je descends skier pour des sessions. Quand je suis à Rueil, je complète ma préparation en faisant du vélo sur les bords de Seine.

Zoom : Quel est selon vous votre point fort en tant que sportif ? Et votre point faible ?
C. M. :
Mon point fort, surtout en escrime, c'est ma créativité. J'utilisais les bases transmises par le maître d'arme et ensuite j'agrémentais avec des trucs qui n'étaient pas dans le bouquin... L'idée c'est de casser les codes pour surprendre l'adversaire quand il ne s'y attend pas ! En ski je pense que je ne suis pas le meilleur pilote, mais je suis bon dans l'utilisation de mon matériel, c'est cette créativité qui me rend plus fort.
Mon point faible serait de ne pas être un grand technicien dans des sports justement très techniques.

Zoom : Vous étiez aux JO de Sotchi cet hiver. Comment ça s'est passé ?
C. M. :
Pas mal même si ça aurait pu être mieux ! Ça été difficile pour moi à cause de la neige vraiment compliquée à appréhender et du choix des deux skis qui n'a pas été payant cette fois. J'ai chuté sur les trois premières courses (sur cinq) qui étaient pourtant celles où je suis le plus à l'aise d'habitude. Dur de repartir sur le Slalom, mais je suis quand même arrivé sixième ce qui est honorable. Vu le contexte de départ, ça fait du bien ! Sur le Géant je suis arrivé 11ème. C'était donc un peu décevant pour moi mais l'équipe de France dans sa globalité a bien fonctionné et on a été portés par l'euphorie des Jeux. On joue à se faire peur et on se persuade que c'est la chose la plus importante du monde, c'est grisant.

© G. Picout

Zoom : Est-ce que ça a été compliqué pour vous d'obtenir un équipement adapté ?
C. M. :
J'utilise une coque faite sur mesure par un artisan. C'est un peu comme une grosse chaussure de ski très rigide qui remonte jusqu'au bassin. Et puis j'ai deux skis alors que la grande majorité de mes concurrents n'en ont qu'un. C'est un choix technologique sur lequel j'ai misé.
Tout cela coûte relativement cher à l'achat car c'est comme un prototype, mais aussi à l'entretien car il y a parfois de la casse !

Zoom : Est-ce que vous trouvez juste le système de coefficient appliqué au score selon le handicap ?
C. M. :
Oui c'est un système génial ! C'est un système équitable qui permet de prendre en compte une multitude de handicaps. Par exemple pour les handicapés visuels il y a une différence entre l'aveugle complet et le faible malvoyant. C'est la raison pour laquelle il existe une compensation sur le score des aveugles. Il s'agit d'un calcul mathématique appliqué au temps : sa seconde va moins vite que celle des autres. Ce calcul est basé sur les résultats des dix dernières années de compétition donc il est en perpétuelle évolution. D'ailleurs il y a très peu de réclamations.
C'est bien car cela permet de limiter les différentes catégories de concurrents dans chaque discipline et d'avoir des courses avec beaucoup de concurrents et un seul vainqueur.

Zoom : On parle d'ouvrir les jeux paralympiques aux déficients intellectuels, qu'en pensez vous ?
C. M. :
Je suis favorable à cette idée. Je suis attaché au principe d'inclusion. Quand je veux être reconnu dans le monde valide, je veux que tout le monde le soit. D'ailleurs je pense qu'on a tous beaucoup à apprendre de ce genre de handicap.

Zoom : Où en est le handisport aujourd'hui en France ?
C. M. :
Il manque encore trop de visibilité, même si cette année on a beaucoup progressé grâce à la diffusion des Jeux paralympiques de Sotchi en direct sur France 4 qui ont été vus par plus de 4 millions de téléspectateurs. C'est intéressant de voir qu'il y a un regard plus fin sur les jeux. On ne parle plus de handicap mais de performance, de choix tactiques, etc.
Malgré tout, il faut plus de direct à la télévision, plus de structures, plus d'accessibilité. Il faut savoir qu'avec le handisport tout ce qui est bénéfique pour l'accessibilité des fauteuils roulants, le devient aussi pour les poussettes, les personnes âgées, les livreurs, etc. C'est utile pour tout le monde !

Zoom : Merci Cyril !

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