lundi 18 janvier 2016

Interview : Gilles Bajolle, un pâtissier passionné

© Lucas Largeron
Après plusieurs années passées dans les grandes maisons parisiennes, Gilles Bajolle a ouvert sa boutique dédiée aux macarons à Rueil-Malmaison. Rencontre avec un perfectionniste.



ZOOM : Quel est votre parcours professionnel ?
Gilles Bajolle : Je suis originaire du Gers. Gamin, j'ai été bercé par les odeurs de la campagne. Quand ma mère revenait du jardin, elle se frottait les mains avec des plantes (citronnelle, verveine,...) puis me les mettait sous le nez. C'était des parfums plutôt sucrés.
J'appréciais aussi les odeurs de bois, de pierre, de fer chaud, ... Par contre, les effluves fortes et acides des étables me retournaient l'estomac.
Je n'étais pas passionné par la cuisine, absolument pas, mais par les senteurs. Je voulais être charpentier. Mon père qui voulait être cuisinier m'a dirigé vers une école hôtelière. Je ne l'ai pas contredit. J'ai fait deux écoles dans le Sud-Ouest où j'ai fait du service, de la cuisine et de la pâtisserie sans passion.

© Lucas Largeron

Alors, pourquoi êtes-vous devenu pâtissier ?
A l'occasion d'un stage de fin d'année au Ritz, tous les 8/15 jours, on changeait de poste. Les odeurs de poissons, de marinades m'incommodaient. Arrivé en pâtisserie, j'ai eu une révélation. J'ai découvert des saveurs inconnues pour moi comme les fruits de la passion et les citrons verts. La pâtisserie m'a plu, j'y suis resté huit mois. C'était physique, parfois un peu violent, mais j'apprenais et j'avais la satisfaction d'arriver à un bon résultat.
A l'âge de 21 ans, je me suis retrouvé du jour au lendemain au Laurent (restaurant étoilé). Très vite, on m'a demandé de remplacer le chef pâtissier. Le niveau de l'école n'avait rien à voir avec la pratique d'une grande maison. Je n'avais pas fait d'apprentissage ni d'alternance. Alors, la direction m'a envoyé faire un stage d'une semaine chez Lenôtre et ensuite, je me suis débrouillé.
Grâce à un ancien collègue du Ritz, je suis entré à 26 ans chez Taillevent (restaurant étoilé). Au bout de huit jours, je voulais partir. Le style de pâtisserie ne me plaisait pas. La direction m'a proposé de réaliser une « pâtisserie de campagne » ne contenant que des produits simples sans trop de crème, de sucre, ni de beurre, adaptée à des fins de repas. Les clients appréciaient. J'y suis resté 14 ans.
Après, j'ai travaillé moins de deux ans à La Maison du Chocolat. Ce fut une expérience très intéressante mais qui ne me correspondait pas. Les quantités à produire étaient trop importantes.
Je suis revenu chez Taillevent (un an) avant d'intégrer le George V pour quelques mois. C'est un très bel établissement où je n'étais pas à l'aise, tout était trop hiérarchisé et trop compartimenté. Et le contact avec la clientèle me manquait.


© Lucas Largeron
  
Comment avez-vous fait pour changer d'établissements ?
Je n'ai jamais fait un CV de ma vie ! Mes changements se sont faits par simple coup de téléphone.
Après toutes ces expériences, vous décidez d'ouvrir une boulangerie Pain et gourmandises à Sartrouville.
A un moment de sa vie, on sait ce que l'on a envie de faire et ce que l'on ne veut plus faire. Ouvrir une pâtisserie pure n'était pas envisageable à l'époque car il fallait avoir un nom et des moyens. J'étais passionné par le pain. J'avais fait des stages en boulangerie et à l'École Lenôtre. J'ai fait un CAP en 6 mois à l'INBP (Institut National de la Boulangerie Pâtisserie) à Rouen. Ma femme et moi avons repris en 2004 une petite boulangerie-pâtisserie à Sartrouville. Nous ne vendions pas de pain blanc mais du pain à l'ancienne fabriqué avec du levain liquide et des farines naturelles. C'était un produit sensible à réaliser. Les clients ont vite été conquis. On a ouvert à 3 employés et fini à 10 en 5 ans ! Au bout de 4 ans, la gestion du personnel me pesait. Et je travaillais quasiment 7 jours sur 7,  entre 12 et 17 heures par jour. J'ai donc eu des petits problèmes de santé. En 2009, nous avons pris la décision de fermer. C'était une aventure excitante, passionnante mais épuisante !

Comment est née votre boutique Macaron & cacao à Rueil-Malmaison ?
Nous nous sommes lancés dans le macaron car c'est un produit que j'aimais travailler et qui se vendait bien dans notre boulangerie-pâtisserie. Comme le chocolat que nous déclinons sous forme de ganaches, orangettes, tablettes, pâtes à tartiner, ... Nous avons mis un an et demi pour trouver le local où nous sommes depuis le 31 juillet 2011. Sans aucune communication, on a eu du monde dès le premier jour. Et, grâce au bouche à oreille, nous avons sans cesse de nouveaux clients.

© Lucas Largeron
Combien de parfums de macarons proposez-vous à vos clients ?
Nous offrons une belle palette de couleurs dégradées avec 27 parfums. Et nos macarons sont allégés en sucre.

Combien de macarons réalisez-vous par jour ?
Nous sommes deux à réaliser entre 500 à 1500 macarons par jour.

Quelles sont vos sources d'inspiration ?
Les parfums sont infinis. Le macaron est composé d'amande, une matière grasse qui capte les odeurs. Avec l'expérience, on connait les accords de saveur et on ose les mélanges plus facilement. C'est essentiel de proposer de nouvelles saveurs, de nouvelles formes et de s'adapter à des thématiques.

Accordez-vous beaucoup d'importance au packaging ?
Oui, c'est important. Nous venons de créer une boîte de voyage au motif pied-de-poule avec des alvéoles pour transporter les macarons sans les abîmer. Ils voyagent ainsi dans le monde entier.

© Lucas Largeron

Combien de nouveautés de macarons élaborez-vous par an ?
Trois à quatre nouveautés par an. Des macarons disparaissent pour revenir quelques années après selon la demande de nos clients comme le citron jaune/gingembre. D'ici quelques jours, nous remettrons en vente le marron glacé et le cacahuète. Et, nous proposerons un nouveau parfum, le spéculoos.

Quels sont vos best-sellers ?
Caramel beurre salé mais tous les parfums trouvent leur public.

Quels sont vos macarons les plus originaux ?
Peut-être le chocolat/piment d'espelette avec du poivron rouge et une pointe de Ricard.

Vous ne faîtes pas de macarons salés ?
Cet hiver, nous proposerons pour la première fois deux macarons salés, l'un au saumon fumé et l'autre au foie gras épicé. Jusqu'à présent, je n'aimais pas trop l'association sucrée/salée et je ne maîtrisais pas suffisamment les recettes.  
© Lucas Largeron


La transmission est très importante pour vous. Travaillez-vous avec des apprentis pâtissiers ?
Non, car je ne travaille qu'un seul produit. Ce serait ennuyeux pour eux. Mais, j'accueille avec plaisir des stagiaires. C'est tellement enrichissant de transmettre et d'échanger. Seul, on n'est rien. Depuis quelques années, beaucoup de femmes de 30/40 ans en reconversion viennent se former quelques jours chez nous.

Cet engouement pour la pâtisserie est-il lié aux émissions culinaires ?
Oui, évidemment. Et, aux nombreux livres. Beaucoup de gens ne se rendent pas compte de la différence entre faire de la pâtisserie à la maison et le faire professionnellement. La pâtisserie c'est de la chimie. La cuisine, on fait cuire, on assaisonne, ce sera toujours bon. En pâtisserie, si on ne fait pas les mélanges dans un certain ordre, si on ne respecte pas les températures, le résultat risque d'être décevant.
  
Quels conseils donneriez-vous à un apprenti pâtissier ?

Faire des stages. Il y a des tours de main à acquérir sur le terrain. Les émissions de télévision sont formidables mais cachent une partie de la réalité. Et ne pas se démoraliser. Il faut faire et refaire pour comprendre la matière et arriver à la perfection. C'est un métier où l'on ne s'ennuie jamais, où l'on progresse sans arrêt.
La patience, la  curiosité et la passion sont trois qualités indipensables pour ce métier. Un jeune est venu me voir en me disant je veux être pâtissier. Je lui ai posé quelques questions : Connais-tu des pâtissiers ? Non. As-tu des livres  sur le sujet ? Non. Manges-tu des pâtisseries ? Non. Quand je lui ai dit qu'il fallait se lever tôt et travailler le week-end, il a été étonné. Je ne l'ai plus jamais revu !

Quel est votre dessert préféré hormis le macaron ?
La croustade aux pommes, un dessert de grand-mère du Sud-Ouest.

Quelle est votre madeleine de Proust ?
Le macaron !

Merci Gilles !


www.macaronetcacao.com
www.facebook.com/Macaron-et-Cacao


L'équipe de ZOOM chez Gilles !
© Lucas Largeron

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire