mardi 17 mai 2016

ZOOM sur... Le phénomène Booktube

Bulledop
Bulledop, Nine, Miss Book, Margaud liseuse, Lili bouquine, Le rouquin bouquine… Non ce ne sont pas des pseudo trouvés sur le site de rencontre Adopte un bibliothécaire…. Ces noms ne vous disent rien ? Derrière, se cachent pourtant des stars, celles de la communauté Booktube !

Booktube, mais kesako ? Il s’agit d’un néologisme né de la contraction de deux mots anglais : book, soit livre et Youtube, la plate-forme américaine de vidéos en ligne. Depuis quelques années, le phénomène Booktube est en marche. De plus en plus de jeunes passionnés partagent leurs coups de cœur et leurs déceptions littéraires sur la toile, via des vidéo home made à la Norman ou Cyprien. Les mêmes codes sont d’ailleurs utilisés : monologue face caméra, vidéo dynamique, montage très découpé, musique, humour, incrustations rigolotes, générique, etc.
Les booktubeurs sont généralement des jeunes adultes (15 à 30 ans), surtout des femmes, qui ont un profil atypique puisqu’ils sont à la fois geek et fan de littérature. Mais attention, on ne parle pas de n’importe quelle littérature sur Booktube. Le genre young adults est sur-représenté et on reste dans une littérature très mainstream… On vous fera rarement découvrir un obscur auteur lituanien, ou même un petit éditeur inconnu au bataillon.
Booktubeur n’est pas un métier, cela ne rapporte pas grand chose à part une petite rémunération de Youtube au-delà d’un certain nombre de vues des vidéos. Il faut donc être vraiment passionné, d’autant que c’est une activité qui prend du temps ! Une demi-heure pour tourner, cinq à six heures de montage, sans compter le temps de lecture et celui passé sur les réseaux sociaux.





Jesse the reader


Cette nouvelle forme de chronique littéraire 2.0 doit son succès à la forte présence des booktubeurs sur les réseaux sociaux et aux échanges avec les internautes mais aussi entre booktubeurs avec des tags, des défis, des vidéos en commun...
Il existe en réalité plusieurs types de rubriques dans les vidéos Booktube. On peut citer par exemple : les BookHaul retraçant les acquisitions du mois ou encore le Public Library Haul qui est la présentation d’un butin de livres empruntés à la médiathèque municipale, les Update consacrés aux trois dernières lectures, les TAG ou challenges, les unboxing ou le déballage en direct d’un colis de livres, le bookshelf ou une visite guidée de sa bibliothèque personnelle…. Tout un vocabulaire spécifique tout droit venu des États-Unis où le phénomène est né il y a cinq ans.

Aujourd’hui, la communauté hispanique a rejoint le mouvement, et représente avec les États-Unis les deux plus grandes communautés Booktube. Certains booktubeurs comme l’américain Jesse the reader cumule près de 120 000 abonnés et 5,6 millions de vues sur Youtube ! En France, c’est encore un peu timide. Les booktubeurs les plus célèbres comme Bulledop et Nine sont respectivement à 18 000 et 33 700 abonnés. Mais cela tend à se développer de plus en plus.

Souvent, ce qui pousse certains à se lancer dans la communauté Booktube, c’est le manque d’intérêt de leur entourage proche pour la littérature. Mais attention, malgré l’apparente facilité du procédé : « se filmer soi-même en train de parler de ses coups de cœur, fastoche ! », ce n’est pas à la portée du premier venu. Et on peut le constater en regardant quelques vidéos… Il y a vraiment de tout chez Booktube : du bon et du moins bon, de l’original et de l’ennuyeux, du drôle et du bide, de l’intéressant et du très très futile.  Le plus déconcertant est d’écouter quelqu’un parler pendant 10 minutes d’un livre qu’il n’a pas lu mais qu’il aimerait lire… (ça valait le coup de faire une vidéo !)
Bref il faut faire le tri ! Conseil d’ami, parmi les meilleurs, on vous conseille les filles de Miss Book (en interview dans ce numéro de ZOOM).



Nine
Quoi qu’il en soit, le phénomène se développe et c’est certainement une bonne chose pour plusieurs raisons :
• parler littérature n’est pas complément has-been et écouter parler littérature non plus. On peut être geek et aimer les livres (la plupart des booktubeurs sont d’ailleurs très attachés au papier, à son odeur, au design des couvertures…)
• Booktube est un nouveau moyen de toucher les lecteurs, voire d’influencer leurs choix de lecture (on dit que les booktubeurs sont prescripteurs, comme les libraires ou les bibliothécaires par exemple)
• Les éditeurs l’ont d’ailleurs bien compris et des partenariats se créent entre eux et les booktubeurs : envoi d’ouvrages, opérations marketing, jeux concours... Il faudra veiller à la liberté et l’indépendance des booktubeurs, mais les plus expérimentés l’ont compris.
• Booktube désacralise le rapport au livre, ce qui n’est pas plus mal… Bernard Pivot c’est fini, place aux booktubeurs !
• Continuons de parler des livres, IRL (In Real Life) ou sur Internet, car c’est cela aussi qui rend la littérature vivante !

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