mercredi 1 octobre 2014

Interview : Astrid Lecornu, créatrice et designer textile

Zoom : Comment êtes-vous devenue créatrice / designer textile ?
Astrid Lecornu : J'étais au lycée Richelieu en option Art et à l'école des Beaux Arts de Rueil. Ensuite, j'ai fait un BTS Design Art Impression Textile à l'ENSAAMA (École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d'Art) - Olivier de Serres à Paris. Puis j'ai obtenu un DSAA (Diplôme supérieur des Arts Appliqués) en Concepteur – Créateur à l'ESAAT Lille. C'est là que l'on apprend les métiers de création dans les arts appliqués. Suite à un stage avec Virginie Parrot, j'ai appris les techniques de broderie de haute couture comme la broderie Lunéville. Ça a été une révélation et je me suis spécialisée dans ce domaine.

Zoom : Quel est votre statut aujourd'hui ?
A. L. : Je suis indépendante, en free lance et rattachée à la Maison des Artistes. Je travaille pour plusieurs clients à la fois, et notamment avec Virginie Parrot avec qui je suis associée pour la haute couture. D'un côté je fais du dessin textile et des échantillons, et d'un autre des créations en fil de fer et textile. C'est toujours très varié.

Zoom : Qui sont vos clients ?
A. L. :
Nous travaillons directement avec les grandes maisons pour la haute couture, principalement pour Chanel. Pour le prêt-à-porter, nous passons par  la société Lunas France et les ateliers Cécile Henri qui s'occupent ensuite de la production en quantité de galons, strass, clous, relief, cabochons, paillettes, découpe laser motifs et bandes... Notre valeur ajoutée c'est la broderie,  les motifs textiles. Cela fait huit ans que l'on fait ça. Je travaille aussi pour d'autres clients comme Nadine Delepine pour qui j'ai fait des bijoux textiles, Alexandra François pour une collection spéciale pour La Redoute,  Repetto pour leurs vitrines, etc.

Un exemple d'une création d'Astrid pour Chanel

Zoom : Quelle est la différence entre la haute couture et le prêt-à-porter ?
A. L. :
Pour la haute couture chaque modèle n'a que huit répétitions qui sont des pièces uniques numérotées. La production reste petite et familiale. Chaque pièce a un prix qui varie selon le nombre d'heures de travail, les matériaux utilisés, etc. Mais ça coûte toujours une petite fortune ! Seuls les clients très riches peuvent se permettre de les acheter. Ce sont souvent des étrangers : des Russes, des Emiriens, et de plus en plus d'Asiatiques (Japon, Inde, Chine) ou des personnalités.
Le prêt-à-porter, en revanche, est produit en plus grande quantité et est souvent délocalisé dans des ateliers en Chine ou au Maroc par exemple.
A notre échelle, nous avons plus de marge de création dans la haute couture. Là on s'éclate vraiment ! Pour le prêt-à-porter, on nous demande de faire des économies sur les matériaux, d'utiliser des techniques moins complexes et plus rapides à réaliser. Le cahier des charges est plus précis.

Des invitations aux défilés Chanel

Zoom : Comment travaillez-vous avec les maisons de haute couture ?
A. L. :
Au début de chaque collection un thème nous est soumis. Au fur et à mesure de nos propositions, leurs demandes s'affinent. Par exemple, si on nous demande un galon pour une veste en tweed, on va leur présenter cinq  propositions sur une planche. Elles vont « tiper » ce qu'elles aiment et on refera cinq propositions dans cette voie là, et ainsi de suite.
Parfois, au contraire, le cahier des charges est très précis et on doit y répondre tout de suite avec les matériaux qu'ils nous fournissent.
Dans tous les cas, il faut être très réactif car les clients veulent souvent un retour dans les 24 heures. C'est souvent très speed, il ne faut pas avoir peur des nuits blanches, mais en même temps c'est aussi ça qui est excitant !
Quand un échantillon est choisi pour le prêt-à-porter, il faut ensuite rédiger la fiche technique qui permet de créer le modèle en quantité. Il faut bien détailler toutes les étapes et les techniques utilisées pour sa réalisation, ne surtout pas faire d'erreur dans la fiche technique sinon toute la production est ratée !
En plus des commandes, tous les ans je propose des échantillons de broderie, des dessins sur textiles, des planches de motifs, etc. à différentes maisons de couture. Cela peut être des galons, des rebords, des motifs placés sur un vêtement. Si cela les intéresse pour une collection, ils peuvent passer commande.

Quelques propositions et les croquis de Karl...

Zoom : Quelles sont les qualités d'un bon créateur textile ?
A. L. :
Il est important d'avoir plusieurs techniques dans son couteau suisse (broderie, crochet, passementerie, tissage, etc.) afin de pouvoir répondre rapidement aux demandes des clients qui veulent tel ou tel effet. Cela donne aussi la possibilité de mélanger les techniques.
D'autre part, quand on a un statut indépendant, il faut être ouvert d'esprit dans tous les domaines, être curieux, chercher, et ne pas hésiter à combiner les univers pour trouver l'inspiration. Il faut savoir travailler dans l'urgence, résister à la pression, être perfectionniste et très méticuleux. Enfin, quand on travaille seul, il est nécessaire d'être très rigoureux pour bien organiser ses journées de travail et préparer en amont les prochains projets.

Zoom : Est-ce que la mode est une passion pour vous ?
A. L. :
Non, pas vraiment. Je regarde à peine les défilés, juste pour voir comment ce que j'ai réalisé tombe sur un vêtement et me tenir au courant des nouvelles tendances créatives. Ce qui m'intéresse ce sont les coulisses : l'art, l'artisanat, la création.
J'ai d'autres passions à côté, comme mes créations en fil de fer pour lesquelles j'ai développé mon propre univers, la céramique, l'Asie, l'art du thé. D'ailleurs je pratique et étudie le Chanoyu (cérémonie et art du thé japonais) depuis quatre ans maintenant. J'aime aussi la décoration, la musique classique, les musiques du monde, la lecture, la marche, le dessin et la peinture. Beaucoup de choses qui ne sont pas forcément en lien avec la mode...

Zoom : Merci Astrid !



Pour découvrir les créations personnelles et l'univers d'Astrid Lecornu : 
- Son blog : http://astridel.over-blog.com/ 
- Les portes ouvertes ateliers d'artistes les 11 et 12 octobre 2014 
- La boutique « Même les objets ont une vie » (30 rue de la Libération, Rueil-Malmaison) 
- L'exposition « Contes de fils et histoire textile : Peau d'Âne » à la Bibliothèque Renoir (27 rue Guy de Maupassant, Rueil-Malmaison) du 29 novembre au 20 décembre 2014

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