Premier Prix attribué à Léa Rostamnejad (élève de Seconde, Lycée Richelieu) pour son écrit inspiré de Libellules de Joël Egloff (Buchet Chastel, 2012).
Dans une petite pièce, un homme devant un ordinateur, les yeux vitreux et plissés, scrutait son écran. Il comptait lentement les lignes qui s'y inscrivaient. De haut en bas puis de bas en haut afin de s'assurer qu'il ne se trompait pas. Enfin, il sourit et retira ses lunettes en retombant au fond de son siège. Son objectif du jour avait été atteint : il avait écrit trente lignes. L'inspiration était au rendez-vous cette semaine, de quoi réjouir n'importe quel écrivain qui chaque jour, de chaque mois, de chaque année met corps et âmes à inventer trente-cinq malheureuses lignes. Il mâchouillait la branche de sa lunette, pensif. Ferait-il autant de lignes demain ? Peut-être même plus qui sait ? Il éteignit son ordinateur, après avoir fièrement appuyer sur << Enregistrer >>, et s'en alla trouver quelques occupations en attendant l'heure d'aller chercher son fils à l'école. Dehors, le temps était ombrageux et le ciel menaçait à tout moment de déverser une cascade d'eau -sur la tête des passants- que les nuages d'un gris sombre retenaient. Pour rien au monde il ne mettrait un pied à l'extérieur. Sauf pour aller chercher son fils évidemment. La petite balade de 16h tombait donc à l'eau. Il allait devoir rester confiné chez lui jusqu'à ce que sonne l'heure pour lui d'affronter la flotte prochaine.
Dans une petite pièce, un homme devant un ordinateur, les yeux vitreux et plissés, scrutait son écran. Il comptait lentement les lignes qui s'y inscrivaient. De haut en bas puis de bas en haut afin de s'assurer qu'il ne se trompait pas. Enfin, il sourit et retira ses lunettes en retombant au fond de son siège. Son objectif du jour avait été atteint : il avait écrit trente lignes. L'inspiration était au rendez-vous cette semaine, de quoi réjouir n'importe quel écrivain qui chaque jour, de chaque mois, de chaque année met corps et âmes à inventer trente-cinq malheureuses lignes. Il mâchouillait la branche de sa lunette, pensif. Ferait-il autant de lignes demain ? Peut-être même plus qui sait ? Il éteignit son ordinateur, après avoir fièrement appuyer sur << Enregistrer >>, et s'en alla trouver quelques occupations en attendant l'heure d'aller chercher son fils à l'école. Dehors, le temps était ombrageux et le ciel menaçait à tout moment de déverser une cascade d'eau -sur la tête des passants- que les nuages d'un gris sombre retenaient. Pour rien au monde il ne mettrait un pied à l'extérieur. Sauf pour aller chercher son fils évidemment. La petite balade de 16h tombait donc à l'eau. Il allait devoir rester confiné chez lui jusqu'à ce que sonne l'heure pour lui d'affronter la flotte prochaine.
D'un
geste lent, il saisit la télécommande et s'affala dans le canapé.
La
télé est le meilleur moyen pour faire passer le temps.
Or
seuls des documentaires et des émissions de télé-réalité sans
intérêt étaient diffusés à ce moment de la journée. Il avait le
choix entre les informations ou alors le documentaire le plus
intéressant des documentaires inintéressants : L'apparition du
poulpe marin. Il opta donc pour les informations comme quiconque
ayant un peu de pitié pour sa propre personne.
La
politique et le système gouvernemental défaillant actuel était le
principal sujet sur la première chaîne d'informations, ce qui
l'ennuya très vite. La chaîne suivante au contraire traitait de
l'actualité. La journaliste brune aux yeux verts parlait de
catastrophes naturelles, de phénomènes sociaux ainsi que
d'évènements récents. Il n'écoutait que d'une oreille et
s'apprêtait à aller chercher quelque chose à se mettre sous la
dent, quand il entendit son nom :
<<
Joël Egloff, auteur de nombreux ouvrages remarqués, a remporté la
semaine dernière le Grand Prix SGDL de la nouvelle avec son recueil
Libellules, annonça la journaliste. Un recueil dans lequel le
narrateur nous fait part du monde qui l'entoure avec sensibilité et
avec des touches comiques. Voici une interview des personnes qui sont
les personnages de certaines de ces nouvelles. Reportage réalisé
par Léa Rostamnejad >>. Il se rassit confortablement dans le
canapé, prêt à regarder, l'air amusé.
Une
petite femme rousse grassouillette apparue à l'écran. C'est
la voisine d'en face !
Elle ne savait
où poser son regard, probablement angoissée d'être filmée pour la
télé. Ses yeux jonglaient entre la journaliste et la caméra. Elle
répondait aux questions de la reporter en bafouillant légèrement :
<<
Aviez-vous remarqué que monsieur Egloff, votre voisin, vous
observait secouer votre linge ?
-
Euh... oui un peu tout de même. Il feignait de regarder autre part
mais je voyais bien qu'il me regardait moi, à chaque fois que
j'étais à la fenêtre. Je trouvais ça quelque peu étrange. >>
Je le savais qu'elle
me prenait pour un fou... La
reporter continua ses questions :
<<
Qu'avez-vous pensé de la nouvelle Rien à secouer dans
laquelle votre voisin parle de vous, et plus généralement
qu'avez-vous pensé de l'ouvrage ?
-
J'ai trouvé la nouvelle très drôle, dit-elle en souriant. Il
s'imagine plein de choses à partir des actions du quotidien comme
secouer son linge par exemple, et en fait tout une histoire qui fait
rire. Il faut avoir du talent pour écrire de cette manière. >>
Le
reportage se poursuivit avec un jeune homme d'une vingtaine d'année
nommé Benoît. Derrière ses lunettes, il avait un regard vif qui
lui donnait un air espiègle. J'ai
l'impression d'avoir déjà vu son visage.
<<
Bonjour Benoît, commença la journaliste, donc vous êtes le disparu
d'une des nouvelles du recueil, c'est bien cela ?
-
Il faut croire que oui, lâcha-t-il en étouffant un rire.
Mais
oui ! Je le reconnais !
<<
Quelle a été votre réaction lorsque vous avez compris que celui
dont il parlait était vous ?
Il s'exclama :
Il s'exclama :
-
J'étais surpris forcément, mais il faut dire que c'était amusant
de savoir qu'il s'inquiétait de ma disparition ou encore qu'il
s'imaginait tout un tas de trucs sur moi.
-
Quelle opinion avez-vous de ce livre ?
-
C'est magnifiquement bien écrit avec un style propre à l'auteur,
répondit-il avec sérieux. Joël Egloff est à mon avis un homme
débordant d'imagination et qui, de toute évidence, arrive à nous
transporter dans son monde à lui. >>
Enfin,
les dernières personnes interviewées étaient deux gros gaillards
habillés d'un bleu de travail et dont la tête était couverte d'une
casquette noire. L'un avait une moustache, l'autre avait dû oublié
de se raser le matin. Je
ne me souviens pas avoir parlé dans mon livre de quelconques
personnages leur ressemblant... Puis
le caméraman fit un zoom sur une horloge à l'arrière plan. C'est
mon horloge ! Les voleurs, ce sont eux !
<<
On ne savait pas qu'il existait des gens autant attachés à ce
cadran, dit celui à la moustache avec une pointe de moquerie. La
reporter leur posa quelques questions puis la question finale.
-
Quel est votre avis à propos de Libellules de Joël Egloff ?
-
Très beau travail, répondirent-ils en chœur. Celui à la barbe
ajouta : c'est très intéressant car un fait bénin et sans intérêt
auquel on ne fait jamais attention au quotidien peut avec lui
soudainement devenir quelque chose de captivant, autour de quoi toute
une histoire est créée. Je trouve ça fascinant. Je me demande
comment il fait... >>.
<<
C'était un reportage de Léa Rostamnejad sur Libellules de
Joël Egloff, répéta la journaliste brune aux yeux verts, un
recueil de nouvelles qui peut plaire aux jeunes comme aux grands.
Dans le reste de l'actualité, ... >>.
Joël Egloff éteignit la télévision. Il souriait de plaisir. Voilà une diffusion intéressante. Il avait l'avis de "ses personnages" sur son livre.
Joël Egloff éteignit la télévision. Il souriait de plaisir. Voilà une diffusion intéressante. Il avait l'avis de "ses personnages" sur son livre.
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